Écrit par Mégane Ghorbani, consultante formatrice spécialisée en genre et fondatrice du cabinet Esfand

Après plus de 18 mois de recherche et 16 heures d’entretiens réalisés avec 12 femmes réfugiées et demandeuses d’asile aux profils divers, UniR publie sa toute nouvelle étude intitulée Les défis rencontrés par les femmes réfugiées dans l’accès à l’enseignement supérieur en Île-de-France. Cette étude, réalisée avec le soutien de la Région Île-de-France et la Direction Départementale de la Cohésion Sociale de Paris, est accessible en français et en anglais. En voici un bref aperçu.   

Pourquoi cette recherche ? 

Souvent peu visibles, les femmes représentent pourtant la moitié des personnes migrantes et réfugiées dans le monde (ONU 2016). En France, elles sont même majoritaires parmi les personnes immigrées (Insee, 2018) et demandeuses d’asile selon les situations (divorce, veuvage) et les nationalités – 78% des réfugié·e·s malien·ne·s sont des femmes. En moyenne, elles constituent 40 % des personnes sous protection de l’Office Français de Protection de Réfugiés et Apatrides (OFPRA, 2018). Elles font donc clairement partie du public visé par les activités d’UniR, et cela de façon croissante – représentant  2% en 2018 et 27% des personnes accompagnées par l’association en 2020.  

De plus, l’accès à l’éducation est soumis à de fortes inégalités. Celles-ci s’opèrent tout d’abord entre personnes réfugiées et non-réfugiées : le taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur des personnes réfugiées dans le monde est de 3 %, contre 37 % pour la population en générale (HCR, 2018). De plus, il existe des disparités entre femmes réfugiées et hommes réfugiés: les filles réfugiées ont deux fois moins de chances que leurs équivalents masculins d’accéder à l’enseignement secondaire (HCR, 2018) et les femmes réfugiées ne constituent que 41% des personnes réfugiées s’inscrivant au programme de bourses DAFI du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) pour l’accès à l’enseignement supérieur. Les femmes sont pourtant plus nombreuses à être diplômées de l’enseignement supérieur que les hommes dans les trois quarts des pays au monde. 

En Île-de-France, 18% des migrantes (tous statuts confondus) disposent d’un niveau d’étude supérieur au baccalauréat (enquête Dsafhir, 2018). Il n’existe cependant que peu de données, voire aucune, sur l’accès des femmes réfugiées à l’enseignement supérieur dans la région parisienne.  

Comment la recherche a été menée ? 

La méthodologie employée pour cette recherche s’appuie sur la grounded theory (théorie ancrée), une méthodologie guidée par les expériences et le vécu des participantes quant à leur accès à l’enseignement supérieur. Les données recueillies s’appuient sur des entretiens qualitatifs réalisés avec 12 femmes migrantes majeures qui sont actuellement en reprise active d’études, qui sont inscrites dans un programme universitaire ou une formation professionnelle, ou qui cherchent à faire valider les acquis de leurs expériences professionnelles et académiques passées afin de poursuivre leurs études et d’intégrer le marché du travail. 

Chacune des 12 participantes est issue de contextes variés, que ce soit par son pays d’origine, son âge, son parcours migratoire, son niveau d’éducation, sa maîtrise du français ou encore son expérience professionnelle. Toutes les femmes participant à la recherche sont arrivées en France avec un diplôme du secondaire, voire plus élevé.

Tableau 1. Démographies des participantes à la recherche : pays d’origine.

Tableau 2. Démographies des participantes à la recherche : pseudonyme, âge, pays d’origine, langue de l’entretien (ou des entretiens), statut, niveau d’éducation au moment du premier entretien*.

Informations sur les participantes à la recherche recensées par UniR en 2018.

Ce que révèle la recherche  

À partir des données collectées, l’étude a mis en évidence quatre défis majeurs pour les femmes interrogées, à savoir  : la barrière de la langue, les difficultés administratives, les enjeux de genre et le manque d’accès aux réseaux. Chaque difficulté est accompagnée d’une étude de cas.

L’obstacle relatif aux enjeux de genre est ainsi illustré par le témoignage de Mariam, demandeuse d’asile originaire du Pakistan, arrivée en France en 2017 et actuellement doctorante en biochimie. Son cas montre comment le fait d’être une femme étudiante de plus de 30 ans, demandeuse d’asile, musulmane, habitant en banlieue parisienne, peut compliquer la poursuite d’études en France. En ce sens, son parcours et celui d’autres participantes à la recherche mettent en lumière le cumul de différentes formes d’exclusion pour les femmes réfugiées et demandeuses d’asile en France, à la croisée du racisme, du sexisme et d’autres facteurs de discrimination. Dans ce cas comme pour les trois autres présentés dans l’étude, on observe aussi comment ces femmes surmontent les défis et restent motivées par l’accès à l’enseignement. 

L’expérience d’Alecia, réfugiée ougandaise, rapportée dans l’étude témoigne quant à elle du défi de la barrière de langue pour son insertion socio-économique. Elle racontait ainsi comment elle avait parfois subi des insultes au sein même de bureaux administratifs, censés l’orienter,  parce qu’elle ne maîtrisait pas suffisamment le français. 

La recherche met également en lumière les expériences de Constance et Maya, de nationalités respectives congolaise et yéménite pour illustrer les difficultés administratives et le manque d’accès aux réseaux (personnel, professionnel et universitaire) comme freins majeurs pour accéder à l’enseignement en France. 

De la recherche à l’action

Suite aux observations réalisées au cours de cette recherche, UniR formule également une série de recommandations à l’égard du gouvernement, des collectivités territoriales, des institutions publiques et privées, ainsi que des acteurs de la société civile. L’association souhaite ainsi sensibiliser toutes les parties prenantes aux secteurs de l’asile et de l’éducation à l’importance d’intégrer les besoins spécifiques des femmes réfugiées et demandeuses d’asile pour améliorer leur insertion socio-économique en France.  

De plus, les résultats de la recherche ont confirmé un besoin de connexion et d’échanges entre femmes migrantes et femmes locales. En ce sens, le programme de mentorat Intercultur’elles lancé par UniR en avril dernier est le fruit des observations faites au cours de la recherche. Malgré le confinement lié au COVID-19 et son adaptation à un format en ligne, ce programme a réussi à réunir 18 participantes, ce qui prouve bien son utilité. 

Où lire l’intégralité du rapport de recherche ?

Vous pouvez lire notre rapport de recherche disponible ici et également à télécharger en PDF ci-dessous.

 

Research report in English Rapport de recherche en français